Retour sur le European Forum of Logistic Clusters

Les Pôles (clusters) et les Stratégies de Spécialisation Intelligente (Smart Specialisation) au cœur de la politique européenne d’Innovation et comme vecteurs de la compétitivité

Le 1er jour de cette toute première édition du Forum européen des Clusters logistiques a ciblé le rôle des Pôles (clusters) dans la transformation de l’Europe en une Union de l’Innovation.

Mr Dimitri Corpakis, Chef du Département “Etendre l’Excellence et Elargir la Participation” au sein de la DG Recherche et Innovation de la CE, a souligné les écarts de performance des régions européennes en matière d’innovation qu’il convient de réduire au travers d’une participation accrue des acteurs, recherche et industrie, aux programmes de soutien européens. Pour favoriser cela, la CE tend à améliorer les conditions cadres de l’innovation : tant le nouveau programme Horizon2020 que les Fonds Structurels contribuent à assurer une croissance cohérente, inclusive et durable en Europe. A ce titre selon lui, les Pôles (clusters) jouent un rôle prépondérant pour “booster” les dynamiques d’innovation régionales: ils sont des intermédiaires et des « ouvreurs de portes » dans leurs secteurs respectifs et ils soutiennent en même temps la coopération entre les maillons faibles et forts du tissu industriel.

Mr Keir Fitch, Chef du Département “Recherche et Systèmes de Transport Innovants” à la DG Move, a complété la réflexion en insistant sur la légitimité des actions qui visent à soutenir les hubs logistiques et les Pôles (clusters) logistiques pour garantir la stabilité du marché européen dans son ensemble.

Le rôle des structures régionales de soutien à l’innovation comme les Pôles wallons est encore trop peu reconnu, spécialement au sein des régions où ils sont identifiés pour soutenir les activités de collaboration dans des secteurs en proie à une perte d’image de marque, comme c’est le cas en transport et logistique. Mr Jacob Stoumann, spécialiste des politiques de clustering au sein d’Oxford Research, un organisme de formation danois, a pointé du doigt l’énorme difficulté qui réside dans l’évaluation des résultats concrets et visibles de ces structures, répondant à des questions de l’audience en termes de création d’emplois notamment. Il a encouragé les acteurs impliqués à persévérer : construire de la confiance entre les membres et explorer leurs intérêts communs prend du temps, mais tous deux sont les bases de n’importe quel type de coopération !

Pour les professionnels présents, l’intérêt de cette 1ère journée a été de saisir en quoi la vision de l’Europe en matière de Spécialisation Intélligente pouvait être bénéfique aux Pôles et à leurs membres : pour Claire Nauwelaers, experte internationale en politiques de l’innovation, les bénéfices de la mise en place de Stratégies de Smart Specialisation au sein des régions résident dans la construction de politiques d’innovation en phase avec les caractéristiques propres d’une région et, donc, à même d’accroître la compétitivité de leur propre tissu industriel.

Des débats de fonds sur les thématiques de travail de LOG4GREEN

Le 2ème jour a été consacré aux thématiques de travail de LOG4GREEN, identifiées comme pertinentes pour le développement de futurs projets logistiques en lien avec les besoins des entreprises et les compétences de recherche des régions. Lors de 6 panels de discussions, des problématiques concrètes ont été explicitées et des exemples de bonnes pratiques ont été présentés dans le but de fonder des collaborations à court, moyen et long termes.

a) Supply Chain Network Coordination & Collaboration: What are the success factors for supply chain collaboration in the future?

La vision des invités à cette session traitant des collaborations tout au long de la chaîne de distribution est de créer un réseau de distribution opérant comme un tout, c’est à dire une intégration verticale et horizontale complète ainsi qu’une coordination cohérente. Les panélistes ont souligné que, bien identifiées et organisées, ces collaborations mènent à des réductions de coûts immédiates et sont dès lors un must pour l’économie et l’environnement. Il s’agit cependant d’un exercice complexe : répondre collectivement aux demandes spécifiques des chargeurs tout en assurant un retour équitable à l’ensemble des maillons de la collaboration et sachant que l’équilibre de la chaîne est fragile, entre gestion des stocks, transport efficace et stratégies de croissance. Ce sont principalement les technologies visant l’interconnectivité, les opérations de « pooling » et l’intensification des échanges d’information entre acteurs qui rendront la logistique de demain plus collaborative. Et ils nécessitent de revoir les vieilles pratiques de concurrence et d’avancer dans une logique de dissémination plutôt que de protectionnisme. De plus, un « connecteur » indépendant de confiance est nécessaire pour faciliter de tels efforts… un rôle naturel pour les Pôles (clusters) !

b) Designing smart cities thanks to urban logistics: dream or reality?

Sachant qu’environ 75% de la population de l’UE vit aujourd’hui dans des zones urbaines, les structures existantes, trop complexes, ne garantissent pas une livraison de biens et de services durable. Les marchands, les transporteurs, les sociétés de livraison de colis postaux ainsi que les fournisseurs de services sont à la recherche de solutions logistiques adaptées, spécifiquement étudiées pour les zones urbaines. Les panelistes ont échangé leurs expériences au sujet de projets et de solutions innovantes qui visent à améliorer l’efficacité des activités logistiques dans les villes, incluant la réduction des nuisances sonores, de la pollution de l’air et de la congestion. La technologie n’est pas l’unique solution-clé : il semble qu’avant tout, des approches intégrées et innovantes soient nécessaires et que de petites innovations et de petits changements pourraient sensiblement accroître la qualité des déplacements en ville. Il conviendrait de mettre l’accent sur une collaboration plus systématique et étroite entre les stakeholders (citoyens, autorités publiques, transporteurs, commerçants…). Pour cela, une démonstration des bénéfices et de la rentabilité des mesures et projets en cours serait un moyen de développement efficace… à nouveau un rôle intéressant pour des structures comme les Pôles (clusters) ! Ce message a été convenu par tous les panelistes.

c) E-commerce explosion: how to tackle the consequences of virtual logistics?

L’un des topics les plus substantiels de cette journée a été discuté à l’aune de ses conséquences directes sur les pratiques de transport. Si l’Internet a posé de nouveaux jalons et révolutionné les échanges, les entreprises considèrent aujourd’hui les demandes des clients finaux comme primordiales et sont passées d’une logique de business mené par l’envoyeur à un business conduit par le receveur. L’e-commerce confie un rôle-clé à la coordination, à l’optimisation des chargements, à la flexibilité des solutions logistiques, à la transparence des services et à l’ajout de valeur par le biais des techniques marketing. C’est donc toute l’activité de service logistique qui doit être repensée pour satisfaire la demande du consommateur individuel. La question de la capacité des opérateurs à répondre à cette demande a bien entendue été soulevée par les panelistes qui ont notamment souligné l’impact de l’e-commerce en termes de main d’œuvre : les qualifications requise pour un service d’e-commerce diffèrent nettement de celles qui sont demandées dans la logistique classique et il s’agit, pour les pouvoirs publics, de mettre en place une offre de formation ad hoc. Cela vise aussi les fonctions managériales puisque les échanges globaux nécessitent une consolidation au-delà des frontières et que la planification est plus que jamais de rigueur. Plus que jamais en e-commerce, les technologies feront la différence. Un rôle d’entremetteur entre les fournisseurs d’ICT et les logisticiens que les Pôles (clusters) connaissent bien !

d) Green investments in supply chains: the inevitable choice towards competitiveness and resilience

Si l’on en croit les témoignages des panélistes présents lors de cette session, il est aujourd’hui communément admis que les mesures améliorant la durabilité des chaînes logistiques sont ne fournissent pas seulement des opportunités en matière de protection de l’environnement, mais aussi pour l’efficacité économique des opérations et la réduction des coûts. Si l’on y ajoute une dynamique de collaboration sur l’ensemble de la chaîne, les gains sont substantiels pour tous les opérateurs. Cela dit, la question de la réglementation et des incitants publics aux investissements durables a été posée de manière critique : de nombreux opérateurs sont toujours dans l’attente d’un support régional, national ou européen afin de garantir leur compétitivité sur un marché dominé par les grosses entreprises et une concurrence importante. A cet égard, le rôle support des Pôles (clusters) a d’ores et déjà été démontré dans l’accompagnement des entreprises ; le topic est également propice à l’appui des opérateurs sur les réseaux construits par les Pôles en vue d’établir des collaborations à long termes.

e) Change of mode, change of mind-set: how to give inter-and synchromodality more chances to expand?

La question qui a préoccupé ce panel concernait les raisons pour lesquelles les entreprises se montrent frileuses à recourir à des modes de transport alternatifs pour une partie de leur transport. Bien que le coût du gasoil soit élevé et que la congestion des routes ne cessent d’augmenter, les modes fluviaux et ferroviaires sont en effet sous-exploités : pour des raisons d’infrastructure d’une part, mais également à cause de la discontinuité et les coûts élevés des ruptures de charge. De nouveau, c’est ici le manque de collaboration qui est pointé du doigt par les experts : changer les mentalités des utilisateurs autant que celles des players est une affaire complexe dans une réalité de terrain où transporter des biens par la route n’apparaît pas encore assez coûteux que pour avoir un effet dissuasif. Il semble dès lors inévitable que tant les opérateurs privés que publics collaborent et co-investissent afin de supporter la co-modalité au travers d’une infrastructure ad hoc et d’outils de partage d’informations. Tant que le changement de mode sera un obstacle économique, il est probable que l’on ne perçoive pas de changement réel.

f) Meeting the challenges of sustainability: requirements for tomorrow’s Supply Chain Executives

Enfin, les experts ont discuté des nouvelles perspectives en matière d’éducation et de formations pour les logisticiens et les supply chain managers. Changer les conditions de marché requiert de la flexibilité et de l’autonomie dans les approches d’éducation et de formation. L’une des principales questions qui fut posée était justement de savoir à quel point les institutions d’éducation réagissaient en adéquation avec les changements du marché. Les représentants d’universités présents dans le panel ont assuré que les programmes étaient bien adaptés à des nouveaux concepts et que des nouveaux formats sont développés continuellement pour répondre de la manière la plus proche possible à la demande. Les cadres se forment non seulement pour acquérir des connaissances complémentaires mais aussi pour échanger et pour benchmarquer leur entreprise. Dès lors, de plus en plus d’universités établissent des groupes de recherche exclusifs pour certaines entreprises dont les bénéfices sont win-win. Sur ce sujet, les Pôles (clusters), qui sont en contact régulier et direct avec les entreprises, sont les entremetteurs privilégiés des institutions de formation et d’éducation ainsi que des pouvoirs publics à qui ils peuvent remonter des besoins ciblés et faire part de leur vision de l’évolution du secteur à court ou à plus long terme.

Conclusion

En tant qu’organisateur de ce 1er Forum européen des Clusters logistiques, Logistics in Wallonia est enthousiaste à propos du succès de cet événement, supporté par les retours très positifs des participants.

Avec ses partenaires internationaux, Logistics in Wallonia pense faire de cet événement un rendez-vous bisannuel.

Complément d’infos :

  • Plus d’infos sur LOG4GREEN et sur le Forum européen des Clusters logistiques: Emilie Parthoens – epa@logisticsinwallonia.be
  • Les photos de l’événement, la liste des participants et les présentations des keynote speakers: cliquez ICI